PREVISIONS

METEOROLOGIQUES

 

1. Connaissance de l'atmosphère

a. Notions thermodynamiques

b. Dynamique de l'atmosphère

2. Modélisation

a. Equations

b. Lorenz

3. Prévisions

 

 

La prévision du temps suppose toujours deux démarches fondamentales :

- d'une part la connaissance de l'état actuel de l'atmosphère

- d'autre part l'établissement à divers échéances de son état futur.

La connaissance de plus en plus précise des énergies mises en jeu dans les processus météorologiques semble enfin pouvoir donner à l’homme les moyens d'intervenir sur son environnement atmosphérique.

 

1. Connaissance de l'atmosphère

Pour connaître l'atmosphère et en découvrir les lois fondamentales, il est nécessaire tout d'abord d'observer les phénomènes dont elle est le domaine de formation et d'évolution, de mesurer les paramètres représentatifs de son état, puis d'enregistrer ces informations, lesquelles, utilisées quotidiennement pour les besoins de l'exploitation, sont également nécessaires aux chercheurs pour mieux comprendre les processus atmosphériques, en se référant à la mécanique et à la thermodynamique des fluides.

L'expérience montre que l'atmosphère, dont les paramètres représentatifs habituels (pression, température, humidité et vent) varient continuellement dans l'espace et dans le temps, est soumise, en dehors du rythme des saisons, à des évolutions non cycliques.

a. Notions thermodynamiques de l'air

Les processus atmosphériques sont les différentes transformations physiques qui, à partir des apports et des retraits d'énergie observés dans l'atmosphère, permettent d'expliquer les variations de température, les formations de nuages et de précipitations ainsi que les mouvements de l'air à différents niveaux et à différentes échelles.

1. Transformations adiabatiques de l’air non saturé

(adiabatique = sans échange de chaleur avec l'extérieur)

AIR SEC :

L'air sec peut être assimilé à un gaz parfait, donc on a :

p=Rar T (1)

p : pression, Ra=0.288

r : masse volumique de l’air

T : température de l’air.

Il est donc facile de déterminer la variation de T d'une particule d'air soumise à une variation de pression:

(2)

Une masse d'air en mouvement dans l'atmosphère est très souvent soumise à des compressions et des détentes rapides sans échange notable de chaleur avec le reste de l'atmosphère (transformations adiabatiques)

Þ (3)

g a=7/5

n : volume spécifique, inverse de la masse spécifique r .

(1) et (3) Þ équation de Poisson avec ma=0.28586 et K=cste

La température potentielle q découle directement de l'hypothèse adiabatique: c' est la température qu'aurait la particule d'air considérée, ramenée au niveau de pression 1000 hPa c'est une caractéristique de cette particule : elle est indépendante de sa pression et elle permet d'apprécier sa réserve de possibilités thermiques.

(=cste au cours d'une adiabatique) avec p0=1000 hPa

Il convient également de considérer le cas de l'air humide, entraînant d'éventuelles condensations qui se traduisent, physiquement et énergétiquement, par l'introduction de nouvelles données.

AIR HUMIDE :

Pour un air humide non nuageux, on a (1) mais en remplaçant T par

(température virtuelle) avec 1.608 le rapport de la masse molaire de l'air sec et celle de la vapeur d'eau; et r le rapport de mélange : rapport entre la masse de vapeur d'eau et la masse d'air sec contenu dans un même volume d'air humide ( avec e: pression partielle due à la vapeur d'eau additionnée à celle due à l'air sec).

T' > T mais 0 < T'-T < 5 °C et cet écart est négligeable aux altitudes supérieures ou égales à 3 km (faible teneur en vapeur d'eau).

On définit également une température potentielle virtuelle:

ma' qui dépend du contenu de l'air en vapeur d'eau ne diffère du maximum de ma que de 0.6 % Þ ma' » ma Þ les adiabatiques humides sont donc pratiquement confondues avec les adiabatiques sèches.

 

2. Transformations de l'air saturé

L'air sec ne peut pas absorber indéfiniment de la vapeur d'eau: pour une température donnée, la pression partielle e de la vapeur d'eau dans de l'air en contact avec de l'eau liquide ne peut dépasser une valeur limite es (pression saturante de l'eau liquide). De même on définit la pression saturante par rapport à la glace notée ei. Aux températures de l'atmosphère, es et ei croissent très vite quand la température augmente donc dans une détente adiabatique, le refroidissement s'accompagne d'une augmentation de l'humidité relative pouvant atteindre la saturation et donner lieu à la condensation.

Quand une détente rapide d'une masse d'air, par exemple en ascension, donne lieu à de la condensation et si, comme lors de la formation d'un nuage, les produits de la condensation restent à l'intérieur de la masse d'air, le processus peut être considéré comme adiabatique.

Lors d'une détente, la pression diminue donc e diminue car e=1.608 r * p. La diminution corrélative de la température entraîne une diminution plus rapide de es. Quand, la condensation commence et l'évolution se poursuit sur une pseudo-adiabatique saturée.

 

b. Dynamique de l'atmosphère

1. Approximation hydrostatique

La décroissance de la pression p, en fonction de l'altitude z, est donnée par : dp=-r gdz

où g=9.80665 m/s donc avec (1), on peut écrire la loi de Laplace:

2. Mouvement horizontaux

Les équations générales de la mécanique des fluides appliquées à une parcelle d'air donne,

dans un repère terrestre, l'équation :

est la vitesse horizontale de la parcelle, la verticale locale, la résultante des forces de frottements horizontales et f le paramètre de Coriolis.

f=2w*sin(j ) avec w=0.729*10-4 rad.s-1 , vitesse de rotation de la Terre autour de son axe et j la latitude du lieu. f varie de 0 à 1.458 de l'équateur au pôle, positif dans l'hémisphère nord et négatif dans l'autre.

n'est important que près du sol et le terme est d'autant moins grand que l'échelle du mouvement considéré (dimension d'une parcelle d'air) est grande. Donc, sauf près de l'équateur où f=0, pour un mouvement de grande échelle dans l'atmosphère libre (au-dessus de la couche de frottements d'épaisseur 500 à 1000 m):

(approximation géostrophique)

(géostrophique = dû à la force de Coriolis)

On définit le vent géostrophique, bonne approximation du vent réel (à moins de 10% près). Il est tangent aux horizontales de la surface isobare. Plus les isobares sont serrées, plus le vent est fort.

Quand on se rapproche de l'équateur le vent géostrophique s'annule et l'approximation précédente perd sa validité. Quand on descend de l'atmosphère libre vers la surface de la terre les effets des frottements dus aux turbulences sont de plus en plus importants. Donc on a une diminution et une déviation du vent (vers la gauche au nord, vers la droite au sud). Quand la courbure de la trajectoire de la particule devient important, il y a un écart sensible entre le vent réel et géostrophique car on ne peut plus considérer

3. Mouvement verticaux

Un changement d'altitude peut être dû à la déviation par le relief dans les basses couches, au développement par un phénomène d'instabilité d'une perturbation locale du champ des vitesses verticales (mouvement convectif) ou à la réponse, à grande échelle, aux modifications dynamiques engendrées par des mouvements horizontaux. Donc on a des déplacements synoptiques verticaux. (synoptique : qui offre une vue générale d’un ensemble)

Une masse d'air dans un volume ne change pas, donc la distribution verticale de la vitesse de l'air w est reliée à la distribution verticale de la pression par la relation: où le second membre est la divergence du champ des vitesses horizontales, calculée sur une surface isobare du point considéré et où w = -r g - w .

avec

Si le champ des vitesses est convergent (), w et p varient dans le même sens (et inversement). En particulier, si on considère une couche limitée par le sol, au niveau duquel on peut admettre que la vitesse verticale est nulle, il en résulte que si l'on a convergence du vent horizontale dans la couche, la vitesse verticale au sommet de la couche est vers le haut
(donc w < 0 au sommet de la couche donc w> 0). On a alors ascendance.

A cause des frottements, dans l'hémisphère Nord, le vent réel dans les basses couches est à gauche du vent géostrophique, lui-même tangent aux horizontales isobares. Donc dans le cas d'une dépression, une convergence dans les basses couches entraîne une ascendance.

 

2. Modélisation

L'idée de base de la prévision numérique est l'application des lois de la mécanique et de la thermodynamique régissant l'évolution de l'atmosphère. Si ces lois peuvent être formulées mathématiquement et si l'état de l'atmosphère est connu à un certain instant, il est possible de calculer son évolution future une fois résolu le système d'équations issu de la formulation mathématique. L’essor réel des méthodes de prévision numérique ne débute que peu avant 1950 quand les calculateurs électroniques rendent possible le traitement automatique de la masse énorme de calculs nécessaires à une seule prévision.

a. Equations

La différence entre les quantités de mouvement entrant et sortant par les faces d'un élément de volume parallélépipédique fixe est égale à la résultante des forces appliquées à cet élément, c'est-à-dire à la résultante des forces dues aux contraintes sur les faces et des forces volumiques.

Contraintes sur les faces:

Lorsqu'un fluide est en mouvement, la résultante des efforts exercés par le fluide placés d'un côté d'un élément de surface sur le fluide placé de l'autre côté est une force dF proportionnelle à l'aire ds de l'élément de surface:

est un vecteur, appelé contrainte du fluide, qui dépend de l'orientation de l'élément de surface. On montre que ce vecteur prend la forme (1) où a , b , g sont les cosinus directeurs de la normale à l'élément de surface. Le tableau constitué par les neuf composantes t xx, t xy, t xz,... est appelé le tenseur de contraintes du fluide. Il est symétrique par rapport à la diagonale et ses composantes sont des fonctions des coordonnées et du temps.

Cela s'exprime par l'équation (3) où l'indice i est remplacé successivement par x, y et z. est une composante de la dérivée particulaire du vecteur, quantité de mouvement volumique du fluide. Cette dérivée doit son nom au fait qu'elle est la dérivée par rapport au temps du vecteur dans un référentiel qui se déplace avec la particule fluide (4) Fi est une composante du champ vectoriel des forces volumiques, c'est-à-dire, par exemple, composante du champ de gravitation, du champ des forces centrifuges et des forces de Coriolis.

Si l'on introduit la loi de comportement (2) dans l'équation (3) de conservation de la quantité de mouvement, on obtient un système de 3 équations non linéaires au dérivées partielles du second ordre appelées équations de Navier-Stokes (5) où les indices i, k, l sont obtenus par permutation circulaire des nombres 1, 2, 3.

Loi de comportement:

Le champ tensoriel des contraintes est lié au champ vectoriel des vitesses par une expression appelée loi de comportement du fluide. Pour un gaz ou un liquide ordinaire (à l'exclusion des suspensions et des solutions de macromolécules), il existe des relations linéaires entre les composantes du tenseur des contraintes et les dérivées partielles d'espace des composantes de la vitesse, qui sont également au nombre de 9.On dit alors que le fluide est newtonien: dans l'équation (2), les indices i et k peuvent être remplacés par x, y ou z, les variables indépendantes indicées étant x1=x, x2=y, x3=z; le symbole de Kronecker d ik est égal à 1 si les indices sont identiques et à 0 s'ils sont différents;m est le coefficient de viscosité dynamique. Le rapport de la viscosité à la masse volumique est appelé viscosité cinématique.

Pour résoudre les équations et obtenir le champ des vitesses, par exemple autour d'un obstacle, il faut tenir compte des conditions aux limites à satisfaire :

- sur les obstacles solides, il doit y avoir égalité des vitesses locales du fluide et du solide (condition de non glissement);

- sur les interfaces avec un autre fluide non miscible, il doit y avoir non seulement égalité des vitesses des deux fluides, mais encore égalité des contraintes tangentielles. En outre, les contraintes normales doivent satisfaire à la loi de Laplace.

Loi de Laplace:

Deux fluides non miscibles sont séparés par une interface le long de laquelle existe une tension superficielle s . C' est le rapport de la force qui s'exerce de part et d'autre dans l'élément de courbe placé sur l'interface à la longueur de cet élément. Lorsqu'il y a passage à travers une interface, il existe une discontinuité de la pression qui obéit à la loi de Laplace:

où r1 et r2 sont les rayons de courbure principaux de l'interface, le fluide A étant du côté de la concavité.

La description complète d'un écoulement nécessite la connaissance des champs de vitesse, des champs de pression et de la masse volumique en chaque point. Il faut ainsi déterminer cinq fonctions des coordonnées spatiales et du temps à l'aide des cinq équations constituées par les trois équations de Navier-Stokes par l'équation de continuité :

(conservation de la masse)

et par l'équation d'état qui lie la pression, la masse volumique et la température. Si la masse volumique ne peut être considérée comme uniforme, il faut, pour déterminer le champ des températures, faire intervenir l'équation de conservation de l'énergie (6) où D est une fonction de dissipation (7) qui correspond à la production de chaleur par le frottement interne, h l'enthalpie massique et l la conductivité thermique.

Les équations de Navier-Stokes et l'équation de conservation de l'énergie sont souvent transformées pour faire apparaître des variables réduites qui sont d'un grand intérêt pratique.

Autres équations :

Le système de base des équations d'évolution de l'atmosphère est dérivé de la mécanique des fluides continus avec la caractéristique suivante : la particule de fluide considérée a des dimensions horizontales pouvant aller de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres suivant la classe des phénomènes météorologiques étudiés. L'application de la loi mécanique de Newton, du premier principe de la thermodynamique et de celui de la conservation de la masse (d'air et de vapeur d'eau) pour un fluide, fournit le système suivant :

est la vitesse de la particule d'air (vent), T sa température absolue et r sa densité(r =p/RT, où R=Cp-Cv , différence entre la chaleur spécifique de l'air à pression constante et la chaleur spécifique à volume constant); q est l'humidité spécifique.

-Ñ p/r est la force de pression avec , gradient. est la force de Coriolis, est l'accélération de la pesanteur, résultante des forces dues aux frottements au sol et aux mouvements turbulents par exemple. Q désigne le taux d'apport de chaleur à la particule d'air, notamment par convection, condensation de vapeur d'eau et rayonnement. Q' est le taux d'apport de vapeur d'eau par évaporation et condensation.

Ce système permet de connaître l'état de l'atmosphère à tout instant si l'on connaît l'état à un instant donné. Cependant, ce système est très général et sert par exemple à mettre en évidence des ondes acoustiques dans l'atmosphère mais ces ondes sont insignifiantes sur le plan météorologique et leur présence alourdit la résolution numérique. On fait alors, pour éliminer ces ondes, une hypothèse de filtrage qui s'appuie sur la faiblesse de l'accélération verticale des particules d'air par rapport à l'accélération de la pesanteur (hypothèse quasi-statique).

L'équation (1) projetée sur les axes de coordonnées horizontales et verticale devient :

(1a)

u et v sont les deux composantes horizontales du vent et f paramètre de Coriolis.

Le système (1a),(2),(3),(4) est la base de la prévision numérique.

b. Lorenz

Le système de Lorenz est donné par les 3 équations différentielles :

Les variables x, y et z représentent l'état du système physique à un instant donné. Ce système est issu du problème de la convection d'un fluide dans une boite bidimensionnelle (coordonnées x' et z') chauffée par le bas. Ce fluide, supposé non-divergent, est caractérisé par sa fonction de courant Y et sa température T. Y et T sont projetés dans l'espace de Fourier sur quelques modes seulement. Plus spécifiquement, on suppose que :

où a, A, B, C et H sont des constantes dépendant de la géométrie de la boite. Lorsque ces expressions sont remplacées dans les équations aux dérivées partielles gouvernant l'évolution du fluide, on obtient alors le système d'équations différentielles ordinaires de Lorenz, avec comme variables temporelles x(t), y(t) et z(t). L'espace des phases est donc de dimension 3. Les paramètres s et b sont des constantes proportionnelles à la diffusion thermique et à la viscosité, et le paramètre r est le nombre de Rayleigh proportionnel au chauffage.

Pour les valeurs s=10, r=28 et b=8/3 (valeurs utilisées par Lorenz lui-même), les solutions de ce système sont chaotiques, c'est-à-dire, ni stationnaires, ni périodiques ou quasi-périodiques asymptotiquement. Il est à noter que le choix des valeurs des paramètres n'est pas singulier : des solutions chaotiques peuvent être obtenues dans un large domaine de l'espace des paramètres.

Le graphique montre que la trajectoire solution s'enroule successivement autour des deux points fixes instables symétriques, transitant d'un lobe à l'autre de façon aléatoire. Ces deux états correspondent physiquement à deux mode de rouleau de convection, tournant en sens opposé l'un par rapport à l'autre.

Le graphique montre une solution de ce système, en projection orthogonale sur le plan x=y. La dispersion des erreurs initiales est illustrée par l'évolution dans le temps de conditions initiales situées sur les petits cercles épais. Les deux figures montrent deux cas particuliers. Dans les deux cas, les solutions sont suivies pour la même durée. Dans le premier cas, le cercle se déforme peu, les petites erreurs sur les conditions initiales s'amplifient très peu, et la prévision sera bonne dans tous les cas. Dans le second cas, la même taille d'erreur conduit, dans le même temps, à une dispersion presque totale des trajectoires. La prévision dans ce cas échouera presque systématiquement. La non-linéarité n'est pas en elle-même une source d'imprévisibilité, mais transforme la taille des erreurs de prévision.

Il est à noter que la ressemblance entre le modèle de Lorenz et l'atmosphère réelle est uniquement conceptuelle. Les deux systèmes sont non-linéaires, chaotiques, déterministes et imprévisibles, et possèdent des régimes.

L'ensemble des états physiquement réalisables est appelé l' "attracteur" du système. Si une trajectoire est perturbée, elle reviendra naturellement vers cet ensemble d'où sa dénomination.

Destiné initialement à démontrer l'imprévisibilité de l'atmosphère, le travail de Lorenz fit apparaître un autre phénomène : l'attracteur de Lorenz possède en effet deux lobes, qui montrent que le système possède en fait deux "régimes". Ceci est une propriété très générale des systèmes non-linéaires, comme l'atmosphère. Il n'est pas rare d'observer des périodes assez longues (plusieurs semaines) caractérisées par le même type de temps persistant. Ces types de temps sont associés à des structures particulières de l'atmosphère, appelées régime de temps.

Le système de Lorenz est issu d'une simplification extrême du problème de la convection.

Ainsi, même si le plus simple des nuages est une horloge (symbole du déterminisme et du prévisible), il est aussi imprévisible qu'un nuage très compliqué. Lorenz a donc établi une distinction entre complexité et imprévisibilité. L'atmosphère est à la fois complexe, constituée de particules évoluant de façon probabiliste et imprévisible. Malgré tout, l'imprévisibilité de l'atmosphère ne provient ni de sa complexité, ni du non-déterminisme de ses particules élémentaires. Elle provient de sa sensibilité aux conditions initiales. Imaginons que l'on connaisse presque parfaitement la structure du nuage à un instant donné, on peut alors, à l'aide des lois de la physique, prévoir l'état du nuage quelques instants plus tard; mais très rapidement la prévision se dégrade, car l'erreur que l'on avait commise sur les conditions initiales s'amplifient exponentiellement. C'est la source majeure d'imprévisibilité : le système atmosphérique est chaotique, fortement sensible aux conditions initiales. Cette sensibilité aux conditions initiales caractérise l'effet papillon : les battements d'ailes d'un papillon en Chine sont susceptibles de provoquer une tornade au Texas.

En effet, la perturbation créée par un papillon que l'on mettrait dans les conditions initiales serait capable d'engendrer rapidement une erreur de prévision météorologique. Pourtant cette métaphore est inexacte : les perturbations atmosphériques de toute petite échelle (quelques centimètres) sont rapidement amorties par la viscosité moléculaire. Pour s'en convaincre, plaçons-nous dans la pièce d'une maison où l'air est initialement calme et allumons une cigarette. Le filet de fumée qui s'en dégage matérialise la petite perturbation créée localement par la chaleur de la cigarette en combustion. On y voit des tourbillons qui, très actifs près de la source, deviennent de plus en plus inertes. Lorsque la cigarette sera consumée, l'état de l'atmosphère de la pièce sera identique à son état initial. Le papillon ne produit guère plus d'effets dans l'atmosphère qu'une cigarette dans une pièce. En réalité, c' est aux perturbations d'une échelle beaucoup plus grande, de l'ordre de plusieurs centaines de kilomètres, que la prévision du temps est la plus sensible.

 

3. Prévisions

Résolution numérique

On remplace le système différentiel par un système discrétisé où l'on ne s'intéresse qu'aux valeurs que prennent les variables aux instants tk=to+kD t avec D t pas d'intégration, to temps initial et k entier positif ou nul. Dans les modèles numériques dits à points de grille, seules sont utilisées les valeurs que prennent les variables aux noeuds d'un maillage, régulier ou non, qui forme dans l’atmosphère un réseau tridimensionnel. Dans les modèles spectraux, les champs de variables météorologiques sont décomposés en séries de fonctions élémentaires, séries dont on ne conserve, par troncature, qu'un nombre fini de termes. Dans les deux cas, la définition instantanée de l'état du système atmosphérique est faite par un nombre fini (mais grand) de degrés de liberté. Les modèles numériques sont conçus pour ne traiter de façon explicite que les phénomènes significatifs aux échelles de temps et d'espace auxquelles on s'intéresse. L'action des phénomènes, dont la description détaillée n'est pas faite par le modèle, doit être représentée plus ou moins globalement. On est ainsi amené à simuler une interaction complexe par un sous-modèle à petits nombres de paramètres, en général ajustables. Cette méthode, connue sous le nom de paramétrisation, est utilisée, dans les modèles de prévisions numériques, à la représentation des effets: de la turbulence de petite échelle (phénomènes de "sous-maille"), du rayonnement, des changements de phase de l'eau et de leurs conséquences énergétiques (évaporation et évapotranspiration, condensation et formation des nuages, précipitations, phénomènes convectifs), des interactions avec le sol et les océans. Les équations des paramétrisations permettent de calculer, à partir des variables principales dont l'évolution est déterminée par le système fondamental, des variables auxiliaires. Les valeurs de ces variables sont ensuite utilisées dans le calcul des termes des équations primitives où interviennent les effets paramétrisations.

Pour une prévision météorologique, la résolution numérique consiste à déterminer des fonctions continues à 3 dimensions: (x,y,z), T(x,y,z), p(x,y,z), q(x,y,z). Pour représenter une de ces fonctions sur la terre entière, avec une précision suffisante pour permettre de décrire le temps, il faut en donner les valeurs qui correspondent à des points distants de moins de 300 kilomètres; ces mesures étant effectuées au moins à 10 niveaux horizontaux différents, cela équivaut sensiblement à 60000 paramètres. La résolution numérique sur ordinateur se fait en transformant le problème primitif d'analyse en un problème arithmétique. Une des méthodes utilisées consiste à remplacer les dérivées intervenant dans les équations par des différences finies. S'il s'agit de calculer u/ x, on l'estime par D u/D x où D u est la variation de u sur la distance D x: les fonctions telles que u(x,y,z) sont alors uniquement représentées par un réseau de points de grille. Les méthodes de l'analyse numérique fournissent des indications permettant de connaître si ces approximations sont justifiées et donnent des critères pour déterminer les incréments de temps D t assurant la stabilité des calculs. Une autre méthode consiste à décomposer les fonctions sur un espace de fonctions connues, par exemple des fonctions sphériques. La méthodes des différences finies n'est alors employée que pour les dérivées temporelles.

La sensibilité aux conditions initiales est une source d'imprévisibilité.

Quelles sont les autres sources d'imprévisibilité de l'atmosphère ? D'abord, l'atmosphère n'est pas un système fermé, isolé de ce qui l'entoure: la terre, l'océan et l'espace. Un modèle numérique de prévision météorologique suppose que l'océan et le sol terrestre ne varient pas. Une fluctuation externe, un grand incendie de forêt ou une éruption volcanique, peut ainsi se répercuter et provoquer une perturbation météorologique, une erreur qui va s'amplifier. Les prévisions météorologiques modernes se fondent en grandes parties sur les résultats de modèles mathématiques qui simulent l'évolution des différentes variables atmosphériques, comme la température par exemple. En améliorant notre compréhension du fonctionnement de l'atmosphère, nous réduisons peu à peu l'incertitude de telles prévisions; mais cette connaissance théorique ne suffit pas : quand bien même les équations utilisées seraient parfaitement représentatives de ce qui se produit dans la réalité (hypothèse quelque peu illusoire),il nous faudrait encore procéder à des approximations pour les intégrer dans les modèles mathématiques. Les modèles numériques de l'atmosphère et du climat sont donc loin d'être parfait et ne le seront d'ailleurs jamais. Un ordinateur, si puissant soit-il, ne pourra jamais représenter qu'un nombre fini de variables.

Dans un modèle numérique de prévision, l'atmosphère est représentée par une grille de points, aujourd'hui espacés d'environ 100 kilomètres. Son évolution temporelle est calculée par étapes (typiquement toutes les 10 minutes). Entre les points de cette grille existent des phénomènes qui ne sont pas représentés explicitement, mais dont l'effet ne peut être négligé. L'exemple le plus marquant est celui des nuages. Pour d'écrire explicitement un nuage, il est nécessaire d'avoir un écartement entre les points inférieur à une dizaine de mètres, ce qui est et restera longtemps impossible. Et cependant, en négligeant les nuages, on commet une erreur cruciale de prévision sur la température et les précipitations. Nous sommes donc amenés à "paramétriser" leurs effets, précipitations et modifications du bilan radiatif. Quelle que soit la puissance future des calculateurs, ce problème de paramétrisation se posera, et limitera la prévisibilité atmosphérique.