Les anneaux des planètes



Introduction

Les anneaux des planètes ont depuis longtemps frappé l'imagination des hommes. Observés pour la première fois au cours de l'année 1610, ils constituent probablement l’un des plus beaux spectacles de l'univers avec les croissants lunaires et les galaxies spirales et Galilée, en parlant des anneaux de Saturne, leur prêtait volontiers le nom d’énormes oreilles ou de compagnons l’aidant dans sa marche. Bien que les anneaux ne contiennent qu'une partie infime de la masse du système solaire, ils sont le siège de nombreux phénomènes étonnants et inattendus que les astronomes n'arrivent pas toujours à expliquer. Le survol des anneaux de Saturne par les sondes Voyager en 1980 et 1981 ont révélé la présence d'un nombre incalculable de milliards de cailloux en orbite autour de Saturne et formant ainsi des milliers de structures étonnantes.

Dans ce sujet, on réalisera dans une première partie un bref historique sur la découverte des anneaux puis la description et la composition des anneaux dans une seconde partie et enfin différents modèles permettant d'expliquer la stabilité de tels phénomènes.


I- Historique sur la découverte des anneaux.

1) Découverte des anneaux de Saturne

Au seul moyen d’une lunette astronomique d’ouverture très petite et de grossissement assez faible, Galilée, au cours de l’été 1610 à Padoue fut l’un des premiers à observer les anneaux des planètes et fit de ce fait une moisson de découvertes. Le 30 juillet 1610, il écrivit au secrétaire du duc de Toscane pour lui faire-part de ces nouvelles. Il crut dans un premier temps avoir découvert deux gros satellites symétriques de part et d’autre de la planète mais qui ne présentaient toutefois aucun mouvement apparent. Il fut d’autant plus surpris de constater deux ans plus tard que les compagnons de Saturne, appelés par d’autres : bras, anses ou encore vapeurs transparentes, avaient disparus pour réapparaître à nouveau.

C’est ce phénomène qui, dû à l’orientation de la planète par rapport au Soleil et la Terre permit à Christian Huygens de conclure en 1655 à l’existence d’anneaux situés dans le plan équatorial de Saturne et vus alternativement par la tranche puis de manière plus ouverte au cours des 28 ans que dure une révolution de cette planète.

Jean Dominique Cassini, premier directeur de l’observatoire de Paris a été le premier en 1675 à démontrer qu’ils étaient formés d’une multitude de petits satellites.

Il fallut par la suite attendre 1785 pour que Pierre Simon de Laplace démontre qu’un anneau solide serait instable et détruit par les effets de marée de la planète et suggère alors que les anneaux étaient constitués d’une série de minces anneaux solides concentriques et détachés.

James Clerk Maxwell montra quant à lui que les anneaux étaient constitués de particules indépendantes en rotation différentielle autour de la planète et James Keeler obtenait un spectre de Saturne, montrant ainsi, en mesurant la vitesse radiale des anneaux, que ceux-ci tournaient bien autour de Saturne. En 1911, Henri Poincaré mettait en évidence l’importance des collisions mutuelles des particules entre elles et montra qualitativement qu’un système tri-dimensionnel de particules subissant des collisions inélastiques mutuelles était aplati en un disque peu épais.

Ce n’est cependant qu’à partir des années 70 et 80 que des études théoriques quantitatives ont pu être réalisées. L’observation a alors confirmé ces théories, grâce à l’effet Doppler.

2) Les anneaux d’Uranus

La détection le 10 mars 1977 des 9 anneaux d‘Uranus, représente l’une des découvertes les plus excitantes de ces dernières années. Depuis 1977 les anneaux d’Uranus sont observés chaque année grâce à des occultations d’étoiles, c’est à dire lorsque la planète passe entre une étoile et la Terre. En effet, dans de telles conditions, la lumière émanant de l’étoile occultée est atténuée par la haute atmosphère de la planète et, si cette dernière possède des anneaux, la lumière est interrompue juste avant et après le passage de la planète devant l’étoile, les anneaux se projetant ainsi comme des ombres chinoises sur la surface de la Terre.

En ce qui concerne les anneaux d’Uranus, on retrouve des caractéristiques similaires avec les anneaux de Saturne. Ils furent photographiés pour la première fois en lumière visible en 1984 depuis l’observatoire de Las Campas au Chili.

3) Les anneaux de Jupiter

Bien que de nombreux théoriciens certifiaient que les conditions de formation de Jupiter interdisaient l’existence d’anneaux autour de cette planète, plusieurs scientifiques obstinés ont insisté pour qu’une tentative de détection soit effectuée lors du passage de la sonde Voyager 1 dans le plan équatorial de Jupiter le 5 mars 1979. La tentative fut couronnée de succès et les théoriciens qui s’y étaient opposés furent contraints de constater que Jupiter possède un système d’anneaux qui est de plus le seul à avoir été découvert par une sonde spatiale.

Ils sont toutefois bien différents et surtout beaucoup plus ténus que ceux de Saturne. Leur détection est aussi difficile que le repérage à grande distance d’une faible bougie située à coté d’un puissant phare marin. Ils sont par ailleurs si ténus que toute la matière des anneaux pourrait tenir dans une sphère de 60 mètres de rayon à la condition que toutes les petites particules soient collées entre elles.

Fort heureusement, cette découverte chanceuse ne fut pas la seule de cette dernière décennie.

4) Les anneaux de Neptune

Tout comme pour Uranus, une occultation d’étoile, le 22 juillet 1984 est à l’origine de la découverte depuis l’observatoire interaméricain de Cerro Tololo des anneaux de Neptune (observation d’autant plus délicate que les anneaux de cette planète sont peu inclinés et non visibles de face).

Toutefois, il serait plus juste de parler d’arcs d’anneaux plutôt que d’anneaux car le signal en provenance de l’étoile occultée aurait dû être interrompu par deux fois par un anneau circulaire et non seulement une seule comme ce fut en réalité le cas. Le télescope franco-canadien et le télescope infrarouge de la Nasa ont tous deux enregistré une interruption du signal correspondant à un objet transparent de 18 km de largeur situé dans le plan équatorial de Neptune à 55 000 km de la planète.


Il serait utile à présent de s’intéresser à l’origine, à la constitution des anneaux et les différents types d’anneaux existants car toutes les planètes ne sont pas affectées de compagnons de même nature.


II- Description physique des anneaux

1) Origine des anneaux

a)Différentes théories expliquant l’origine des anneaux

L’origine des anneaux est évidemment inconnue et on ne sait toujours pas s’ils sont formés de matériaux primitifs qui existaient déjà lors de la formation des planètes solaires et qui n’ont jamais pu s’agglomérer aussi près de la planète à l’intérieur de la limite de Roche ou s’il s’agit d’un corps capturé plus tard qui aurait été brisé à l’intérieur de cette même limite.

* Une première théorie stipule que les particules des anneaux formaient un corps de grande dimension, par exemple une grosse météorite ou un satellite. Celui-ci aurait été façonné par les forces de marées et aurait fini par se briser. En effet, si un corps évolue sur une orbite trop proche de la planète considérée, il subit plus intensément la force d’attraction de la planète sur son côté le plus proche de celle-ci que sur les autres. Ainsi cet effet de marée va le déformer. Plus ce corps est proche de la planète, plus il sera déformé. Ce fut l’hypothèse émise par le mathématicien français Edouard Roche. C’est pourquoi, il a calculé la distance, appelée limite de Roche, au delà de laquelle un corps dont les forces de cohésion internes sont insuffisantes pour compenser l’effet de marée et se brise. Les miettes auraient formé un anneau. Donc les forces de marées empêcheraient ces particules de s’agglomérer et de former un satellite.

* Une deuxième théorie imagine la collision violente de 2 objets au voisinage de la planète, par exemple la rencontre entre une météorite et un satellite de la planète. Les restes des 2 corps se seraient mis sur orbite pour former les anneaux.

* Enfin, d’autres spécialistes pensent que les anneaux sont formés de la matière restant après la construction du noyau solide de la planète. La rotation du nuage de poussières et de gaz et les collisions entre particules ont peu à peu rassemblé ces matériaux en un disque mince. Puis les gaz se sont condensés sur les grains qui ont pu atteindre une taille de quelques mètres. Ainsi au début ces grains tournaient sur des orbites quelconques autour de la planète (cf fig1a). Ensuite les collisions (cf fig1b) ont ramené toutes les particules dans le plan équatorial de l’astre en rotation (cf fig2), puis ont rendu leurs orbites elliptiques (cf fig3).

Cependant, on ne connaît pas encore l’âge des anneaux et leur évolution. Il semble que ceux-ci n’aient pu survivre aux 4.5 milliards d’années du système solaire. Le bombardement météoritique subi par les anneaux d’Uranus est suffisant pour les éroder en quelques millions d’années : les anneaux auraient été détruits plusieurs fois avant d’être de nouveau reconstruits selon l’une des deux premières hypothèses.

b)Calcul de la limite de Roche

On considère un satellite hypothétique sphérique, de centre O et de rayon R. Sa masse volumique supposée constante sera notée ‘mv’. On suppose qu’il possède une orbite circulaire autour de la planète, de rayon OS = r. La planète est caractérisée par son centre S et sa masse Ms. Le satellite est, lui, de centre 0, de rayon R, et de masse Mo.

Un point M du satellite est soumis à une force de la part de Saturne, force dépendant de la distance SM. Deux points différents sont donc soumis à deux forces distinctes. Il en résulte une attraction différentielle de Saturne sur le satellite. Si cette attraction différentielle dépasse l’attraction gravitationnelle propre du satellite (responsable de sa cohésion), celui-ci est détruit. Ce phénomène se produit à l’intérieur d’une zone sphérique entourant la planête et dont le rayon est appelé "limite de roche" noté rR par la suite.

L’accélération aOs du centre O du satellite dans le référentiel " saturnocentrique " ainsi que l’accélération aMs du point M défini sur la figure ( tel que S, M et O sont alignés) et supposé solidaire du satellite sont données par :

(O et M sont soumis à la force de gravitation exercée par la planète et on utilise le PFD)

On se place maintenant dans le référentiel du satellite (non galiléen et noté Â ), auquel on associe un repère d’origine O. En supposant que le point M possède la masse m (négligeable devant la masse Mo du satellite) et qu’il est soumis à l’attraction de Saturne et à celle du satellite, son accélération aMO est donnée par :

= m avec

: force gravitationnelle exercée par S

: force gravitationnelle exercée par O

: force d’inertie d’entraînement

: force de Coriolis

Au moment de la destruction, la vitesse de M dans le référentiel considéré est nulle, donc fc=0. D’où :

Lorsque M n’est plus solidaire du satellite, et en posant , on a alors aM0 < 0.

r>>R donc :
et Ms
aM0 < 0

La limite de Roche est donc telle que :

rR3 = 2MsR3 / Mo

Or : Ms =

x 3.14 x Rs3 et Mo = µ

3

rR3

d’où



2) Composition des anneaux.

Longtemps, physiciens et astronomes pensèrent que les anneaux était continus et rigides. Mais les sondes Voyager ont montré que les anneaux se composent en fait de milliers de minces structures concentriques donnant à l’ensemble un aspect de microsillons. Et même si elles apparaissent immobiles depuis la Terre, ces structures contiennent des milliers de particules et de blocs de matière tournant à grande vitesse autour des planètes. Ce sont les anneaux de Saturne qui ont été le plus étudiés grâce aux expéditions des sondes Voyager et grâce à leur proximité et visibilité de la Terre.

ANNEAUX de SATURNE :

\ nature et taille des particules : Les études des anneaux dans le domaine visible ont révélé des zones d’intensité lumineuse différente correspondant à l’abondance ou à la déficience de matière en fonction de la distance à la planète. L’étude du rayonnement infrarouge montre la présence de raies d’absorption qui sont caractéristiques de l’eau : donc les particules sont recouvertes de givre contenant quelques impuretés.

Les anneaux sont de mauvais émetteurs d’ondes radios de longueur d’onde faible. Par contre, ils réfléchissent bien les ondes radar de longueur d’onde de 3 et de 12 cm. Ainsi d’après les lois de l’optique géométrique, de nombreuses particules sont de dimensions supérieures à ces longueurs d’onde. Au moment où la sonde Voyager-2 a traversé le plan des anneaux, à environ 2,8 rayons saturniens, elle a enregistré plus de 10 000 impacts de petites particules d’une taille de l’ordre du m m pendant les 5 minutes qu’elle passa dans une zone d’environ 2000 km d’épaisseur de part et d’autre du plan des anneaux. La sonde Voyager a émis un signal radio qui, après avoir traversé les anneaux, a été enregistré sur Terre. Puis elle a observé la lumière en provenance de l’étoile d Scorpii au moment où elle traversait les anneaux. Elle a enfin observé les anneaux sous tous les angles avant son approche et après sa rencontre avec Saturne, comparant ainsi les quantités de lumière réfléchie, diffusée et transmise. En effet, selon la taille et la nature chimique des grains qu’elle rencontre, la lumière solaire est diffusée dans des directions privilégiées : selon la ligne des rayons incidents, vers l’arrière et vers l’avant s’il s’agit de grains de taille inférieure au µm, c’est à dire inférieure à la longueur d’onde de la lumière, ou essentiellement vers l’arrière s’il s’agit de gros grains (une fraction de mm de plus) .

La comparaison détaillée de la "difficulté" qu’ont les ondes radio et les ondes lumineuses à traverser les anneaux permet de déterminer le nombre de particules , leur densité et leur taille. Le dépouillement complet de ces observations a demandé des années ; il a révélé que des corps de toutes tailles se trouvent au sein des anneaux, que ces corps aient une taille de 1 km ou de 1 m m. On a aussi pu avoir des informations sur les anneaux les moins lumineux lorsque la Terre a traversé le plan des anneaux en 1995. Là l’anneau F a pu être plus observé.

\ épaisseur et masse des anneaux : Les passages de la terre dans le plan des anneaux de Saturne (phénomène qui se produit tous les 15 ans) a donné lieu à des observations à l’aide de grands télescopes et du télescope spatial Hubble. Ils ont permis de mesurer indirectement l’épaisseur des anneaux et de l’estimer à environ 1 km. Cette détection très indirecte intègre en fait la lumière diffusée, les satellites, les gros blocs, un gauchissement éventuel des anneaux, etc…, et il est probable que l’épaisseur locale soit encore plus faible. A partir des mesures des sondes Voyager, on peut l’estimer à quelques dizaines de mètres. Donc les anneaux ont une épaisseur de moins de 1 km et un diamètre de plus de 300 000 km.

On estime que la masse totale des anneaux de Saturne est du même ordre que celle d’un satellite moyen (1099 kg).

ANNEAUX d’URANUS

\ nature et taille des particules : La sonde Voyager 2 a pris des images des anneaux sous des angles très différents, alors que l’angle entre la Terre, Uranus et le Soleil est toujours très petit. On retrouve donc les anneaux détectés depuis la Terre, mais on découvre une structure bien différente sur les prises de vue quand la sonde avait le soleil " dans le dos ". Là, la sonde observe la lumière diffusée vers l’avant par les petites particules d’une taille de l’ordre de la longueur d’onde de la lumière (soit moins de 1mm) ou même d’une taille inférieure. Ces particules inobservables depuis la Terre sont rassemblées dans un disque autour d’Uranus. Observé en lumière diffusée, ce disque présente une structure bien différente de celle des anneaux précédemment connus. Par contre, dans les anneaux découverts depuis la Terre, il existe relativement peu de petites particules.

On a aussi utilisé les informations obtenues lors des occultations des planètes pour déterminer la position des anneaux. De plus, la technique d’occultation radio a permis de comparer les signaux envoyés par Voyager2 à travers les anneaux à 3.6 et à 13 cm et ainsi d’obtenir une bonne estimation de la distribution des tailles des particules des anneaux. Ces signaux traversent de la même manière les anneaux. Or les particules d’une dizaine de cm devraient arrêter le signal à 3.6 cm et laisser passer le signal à 13 cm. Il semble donc qu’il y ait un manque relatif de telles particules au sein des anneaux d’Uranus. Ils seraient donc formés de grosses particules, à moins que ces résultats ne doivent être interprétés par l’état de la surface des particules plutôt que par leurs dimensions.

Enfin, contrairement aux anneaux de Saturne, ceux d’Uranus sont très sombres. Ils réfléchissent moins de 3% de la lumière du Soleil et la majorité des particules n’est pas recouverte de glaces (glaces d’eau, d’ammoniaque ou de méthane).

ANNEAUX de NEPTUNE

La nature physico-chimique de ces anneaux reste encore mal connue car voyager ne possédait pas de spectromètre, en particuliers infrarouge, capable de détecter les bandes d’absorption des glaces ou des silicates et aussi parce qu’aucune mesure sur place (grâce à un spectromètre de masse par exemple) n’a pu être effectuée. L’étude de la lumière diffusée par les anneaux a fourni certaines informations.

Les particules détectées sur les images Voyager sont d’une dimension comprise entre environ 1µm et 1mm. Ils ont donc diffusé la lumière vers l’arrière. On peut toutefois conclure que le pouvoir réflecteur des plus grosses particules est de l’ordre de 4% ce qui correspond à un matériau extrêmement sombre, similaire à celui détecté dans les anneaux d’Uranus. Il pourrait s’agir de silicates ou encore de glace " sale ", c’est à dire contenant un matériau plus absorbant, ce que confirmerait la couleur rougeâtre des anneaux, due vraisemblablement à la présence de glaces contaminées par des composés organiques. Quant à l’anneau Adams, ils sont formés à 50 % par des particules de taille inférieure au micromètre.

ANNEAUX de JUPITER

Les différentes observations effectuées par les sondes Voyager 1 ont permis de mettre en évidence le fait qu’ils sont faits de blocs de taille inférieur à 20 km. De même, les anneaux de Jupiter sont une collection relativement homogène de petites particules concentrées près du bord extérieur de l’anneau et qui tombent probablement continûment sur la planète après avoir été perturbées par l’action du rayonnement et du champ magnétique. Les anneaux de Jupiter sont constamment ré-alimentés, probablement à cause des impacts de micrométéorites sur de petits satellites de la planète, trop petits pour avoir été détectés à ce jour.


3) Différents types d’anneaux

Vus depuis la Terre, les anneaux de Saturne nous apparaissent comme un système de zones concentriques de différentes luminosités séparées par des divisions sombres. A partir de Saturne, on distingue successivement l’anneau D de très faible luminosité qui commence à partir de quelques milliers de km de la couche supérieure des nuages de Saturne , puis l’anneau C fortement transparent, puis l’anneau B, le plus brillant, puis une division de Cassini sépare l’anneau B de l’anneau A qui marque à 136000 km l’extrémité des anneaux observables depuis la Terre. Deux anneaux minces, l’anneau F et l’anneau G, se trouvent respectivement à 140000 et à 170000 km du centre de Saturne. Un anneau très ténu, observable depuis la Terre seulement au moment où les anneaux sont vus par la tranche et appelé anneau E, s étend jusqu’à plus de 550000 km bien au-delà de la limite de Roche.

Toutefois, les anneaux ne sont pas constitués de larges zones relativement homogènes, mais ils se composent en fait de milliers de minces structures concentriques donnant à l’ensemble l’aspect d’un microsillon. Les sondes Voyager ont montré la présence d’anneaux non circulaires ou excentriques, d’anneaux torsadés ou en forme de serpentins.

En ce qui concerne Uranus, ses neuf compagnons ont une largeur totale de moins de 10000 km et huit d’entre eux ont moins de 10 km de largeur. Ces anneaux sont donc étroits, ils ont aussi des bords nets. L’occultation de l’étoile Sagittarii par l’anneaux extérieur e a montré une décroissance brusque du signal, correspondant à une épaisseur de l’ordre d’une 20aine de mètres, ce qui est bien mince pour un anneau de plus de 100 000 km de diamètre. Ceci montre donc que les anneaux d’Uranus sont minces. Par ailleurs, trois d’entre eux sont circulaires et les six autres sont elliptiques de largeur variable. D’autre part, l’anneau extérieur voit sa distance au centre de la planète varier de plus de 800 km et sa largeur varier de 20 à 100km proportionnellement à sa distance à la planète.

Neptune compte pour sa part quatre anneaux : Galle, Le Verrier, plateau et Adams. Galle fait 1700 km en largeur, il est large et diffus et peut être s’étend-il jusqu’à l’atmosphère planétaire ? Ensuite, à environ 53200 km se trouve un anneau continu et étroit appelé Le Verrier. Cet anneau coïncide avec le bord intérieur d’un autre anneau relativement homogène faisant environ 4000 km de large et nommé le plateau. Le plus externe (Adams) contient trois arcs de matière plus denses et ce sont eux qui sont à l’origine des occultations observées depuis la Terre ; ils ont pour nom : L,E et F (comme Liberté, Egalité, Fraternité en raison de leur année de découverte : 1989).

Observé à très haute résolution, l’arc Fraternité dévoile un aspect curieusement torsadé. Cet effet découle de la combinaison involontaire du mouvement de la sonde et du mouvement orbital des particules de l’arc. En fait, chaque torsade, fictive, représente un "grumeau" de l’arc, une agglomération locale de matière dont la longueur typique est de l’ordre de 500 km. Ces grumeaux sont visibles sur plusieurs images , aussi bien à faible qu’à grand angle de phase, et ils sont stables pendant plusieurs jours.

La densité des anneaux de Jupiter paraît environ un milliard de fois plus faible que celle des anneaux de Saturne. On peut par ailleurs distinguer quatre composantes : un anneau brillant d‘environ 6000 km de largeur est prolongé vers l’extérieur par un bord très brillant d’environ 800 km de largeur. Vers l’intérieur, du matériau plus dispersé s’étend jusqu’au sommet des nuages de Jupiter ; le tout est enveloppé par un tore ou un halo très ténu.


III- Comment expliquer la stabilité des anneaux ?

Plusieurs modèles tentent de donner la raison de leur stabilité. Il est aussi possible de vérifier ses théories en trouvant des anneaux y correspondant.

1) Pourquoi sont-ils si stables ?

D’après les lois de la mécanique céleste, une structure d’une telle largeur ne survivrait que très peu de temps. En effet, les particules les plus proches de la planète subissent une attraction plus forte que celles situées à l’extérieur de l’anneau. Ce processus devrait donc étaler les arcs en longitude en moins de 4 ans. Plusieurs modèles ont donc été proposés.

j Lorsque les anneaux sont assez grands, des instabilités provoquées par l’attraction mutuelles entre particules peuvent se développer. Et parfois, la gravitation peut contrecarrer les forces de marrées. Mais les anneaux sont souvent trop petits pour que se développent de telles instabilités.

j Une autre possibilité est que toutes les vitesses angulaires moyennes des particules sont les mêmes, mêmes si elles ont des orbites différentes. Mais une telle coïncidence paraît difficile à se produire et surtout à résister aux collisions entre particules.

j En 1985, Jack Lissauer pensait que la matière confinée sur l’orbite même d’un satellite forme les anneaux. Ce corps aurait piégé les particules en des points d’équilibre dû à une résonance, nommés " points de Lagrange " et situés à soixante degrés de longitude de part et d’autre de lui. Une telle structure existe dans le système solaire : une famille d’astéroïdes, les Troyens, circule sur l’orbite de Jupiter et se trouve bel et bien prisonnière des points de Lagrange (ce modèle est basé sur la résonance de corotation 1 : 1, c’est à dire les particules et le satellite ont même vitesse de rotation). Mais comme les particules des anneaux perdent de l’énergie lors de leurs collisions, le modèle de Lissauer nécessitait la présence d’un autre satellite pour compenser ces pertes par un apport d’énergie gravitationnelle.

j Une amélioration du modèle de Lissauer appelée modèle de Sicardy-Lissauer, necessite un satellite Lagrangien supplémentaire. Les 2 satellites se stabilisent en restant aux points Lagrangiens l’un de l’autre. Ainsi les particules qui forment l’arc seront piégées entre les 2 satellites. Une particule qui est légèrement à l’extérieur rencontre le satellite qui vient de derrière, et est alors injectée dans une orbite plus basse donc plus rapide. La particule rencontre ensuite le 2ème satellite qui est vers l’avant et sera injectée, cette fois, sur une orbite plus haute et donc plus lente, réinitiant le cycle. Les satellites nécessaires sont plus petits.

j L’année suivante, un groupe du California Institute of Technology proposa un modèle (modèle de Goldreich, Tremaine et Borderies) ne nécessitant plus qu’un seul satellite. Son orbite inclinée par rapport au plan équatorial de la planète assurerait la capture des particules dans des sites bien précis appelés "sites de corotation" et fournirait l’énergie dissipée par les collisions. Un satellite dont l’orbite possède une symétrie de révolution autour de sa planète peut piéger des particules dans des endroits extrêmement spécifiques en longitude si les périodes de révolution des particules et du satellite autour de la planète forment un rapport d’entiers simple. Ce qui signifie qu’à un nombre donné de révolutions effectuées par les particules correspond un nombre entier de révolutions effectuées par le satellite. On dit alors que les particules se trouvent près d’une "résonance de moyen mouvement" avec le satellite.

A ce moment, la trajectoire du satellite, observée par les particules, prend l’aspect d’arches passant successivement au dessus et en dessous du plan équatorial de la planète. D’après le rapport des périodes de révolution, les particules verront périodiquement les arches dans la même configuration. Et le satellite sera plus proche des particules lorsque l’arche croise le plan équatorial de la planète que quand elle culmine au-dessus ou s’enfonce en-dessous de ce plan. Ceci entraîne des différences d’attraction gravitationnelles faibles mais systématiques ; ainsi les particules entament un mouvement pendulaire lent dans le "site de corotation". Les sites autour desquels les particules oscillent, se trouvent bien en face des arches décrites par le satellite.

On peut alors montrer que ces sites sont des maxima locaux d’énergie potentielle et que les particules auront tendance, par dissipation d’énergie due aux collisions incessantes, à s’en éloigner. Sous certaines conditions, le satellite lui-même peut néanmoins fournir de l’énergie aux arcs et, ainsi, les maintenir en place. Bien sûr, cette énergie doit être " prise " quelque part : en contrepartie, le satellite va se rapprocher lentement de sa planète. La dissipation est toutefois tellement faible que cette évolution de l’orbite n’est appréciable que sur des échelles de temps très longues.

2) L’application des modèles aux planètes.

a)Cas de Neptune (étude particulière de l’anneau Adams).

Dans le cas de Neptune, il semble que les arcs de l’anneau Adams soient en relation avec le satellite Galatéa.

j Particularités de cet anneau : L’anneau Adams est étroit et à faible épaisseur optique. Et dans cet anneau continu, des structures plus denses se trouvent immergées. On les appelle arcs.

j Bilan des forces : Les particules des anneaux sont perturbées par :

- l’interaction gravitationnelle avec le(s) satellite(s)

- l'aplatissement de la planète

- la pression de radiation due aux émissions planétaires

- l’effet Poynting-Robertson – correction relativiste sur la pression de radiation due aux émissions planétaires et solaires -,

- les collisions entre les particules.

j Les arcs posent un problème de dynamique. Il y a 3 explications possibles pour ces arcs :

- les arcs ont été observés juste après leur formation et ils sont éphémères.

- les instabilités, soit gravitationnelles, soit collisionnelles, présentes dans l’anneaux donnent naissance aux arcs.

- les arcs sont activement confinés par un certain mécanisme extérieur comme l’interaction avec le champ magnétique de la planète ou l’interaction avec des satellites qui orbitent près de l’anneau, les particules sont alors forcées à occuper des longitudes spécifiques.

j Les instabilités internes aux arcs peuvent-elles tout expliquer ? Elles sont de 2 ordres :

- l’instabilité gravitationnelle est associée aux effets de l’auto-gravitation. Les particules proches de l’anneau seront attirées vers lui à cause de l’attraction gravitationnelle. Pour les arcs de Neptune, cette possibilité est peu vraisemblable.

- l’instabilité collisionnelle, elle est difficile à évaluer. Mais la profondeur optique de cet anneau semble trop faible pour produire des variations radiales.

Il faut aussi étudier la stabilité de Adams vis-à-vis du couple répulsif dû à Galatéa. Les calculs montrent qu’il ne peut être stable sur des temps géologiques. Mais si la plupart des particules sont en fait micrométriques, les effets dispositifs de type Poynting- Robertson peuvent contrebalancer ce couple répulsif.

Le modèle de Lissauer ne peut expliquer la stabilité de Adams. En effet :

Il faudrait aussi un deuxième satellite qui compenserait les pertes d’énergie due aux collisions. Ces pertes peuvent sortir les particules des sites c’est pourquoi il est nécessaire de les compenser.

Mais le modèle de Sicardy et Lissauer permet d’avoir 2 petits satellites. Ces satellites peuvent ne pas avoir été détectés par la sonde. Les calculs permettent de remarquer que la particule va présenter une excursion sur une distance plus large que le site de corotation. Cette largeur est essentiellement due à l’excentricité forcée par le satellite Galatéa.

Le modèle de Goldreich, Tremaine et Borderies peut aussi expliquer la stabilité des arcs. Les images de Voyager 2 concordent avec la possible résonance de corotation verticale avec le satellite. Les particules devraient s’étaler sur un espace plus grand que le site de corotation verticale, mais ceci peut être un effet statique ou dû à un autre phénomène de moindre importance.

j Résonances de moyen mouvement :

Une résonance se produit lorsque l’une des fréquences naturelles du système (la particule) est égale à la fréquence d’une force extérieure (celle du satellite). Il peut aussi se créer des point d’équilibre lorsque les période de rotation de 2 objets forment un rapport d’entiers simples. Une force faible peut alors induire de grandes amplitudes d’oscillations de la particule. Les oscillations naturelles dans le mouvement orbital d’une particule autour d’une planète sont alors :

Il y a 3 résonances de moyen mouvement : Lindblad horizontal et vertical et corotation verticale.

j Résultats numériques :

· L’inclinaison de Galatéa par rapport au plan de Laplace local peut induire des effets dynamiques observables. En particulier, elle permet de piéger les particules dans les sites de corotation près de la résonance de moyen mouvement. Grâce aux observations de Voyager et celles faites depuis la découverte des anneaux, on a pu localiser très précisément les sites de corotation engendrés par le satellite : ceux-ci se situent à moins de 200 mètres de la position des arcs. Et le rapport de la période de révolution des particules et du satellite autour de la planète est de 42/43.

La complexité du mouvement dans les sites de corotation permet l’accumulation de particules près des séparatrices entre 2 sites adjacents, ce qui pourrait expliquer la structure de l’arc Fraternité.

· Les particules situées bien à l’intérieur des sites de corotation y restent sur une échelle de temps supérieure à plusieurs milliers d’années. Mais si elles sont au bord du site, elles se déplacent dans plusieurs sites. Les changements de sites ont une période d’environ 30 ans, et ont lieu lorsque l’inclinaison relative entre la particule et le satellite est minimale. C’est pourquoi les arcs les plus denses sont aussi ceux qui sont le plus inclinés.

· Les particules de l’ordre de quelques µm ou moins se rapprochent vite du bord du site à cause de la pression de radiation solaire et en sont donc enlevées. Elles restent quand même proches des rayons raisonnants de la région grâce à l’effet Poynting-Robertson, et sont piégées par la résonance de Lindblad horizontale. Elles sont éliminées par collisions avec l’anneau ou le satellite en quelques centaines d’années.

· Quant aux collisions, elles sont capables d’éjecter les particules de l’intérieur d’un site de corotation. Cela n’affecte pas trop la stabilité des arcs car elles n’enlèvent que très peu de grosses particules. Ainsi une collision entre 2 grosses particules , même à grande vitesse et complètement inélastique (Em ne se conserve pas), ne suffit pas à extraire ces 2 particules de l’arc.

· Ceci permet de proposer un modèle pour les arcs de Neptune. De petites particules sont crées près d’un site de corotation par collisions entre quelques grosses particules, ou par bombardements météoritiques ou … Ces particules piégées évoluent ensuite en formant de fortes concentrations sur quelques sites de corotation, ainsi qu’un anneau plus diffus. Cette diffusion se fait en quelques milliers d’années. La probabilité pour que des poussières soient crées près d’un site n’est pas trop petite.


j Conclusions :

· Les structures générales engendrées par les résultats des calculs sont en accord avec les images de Voyager. Ainsi des collisions espacées dans le temps, combinées aux effets résonants à long terme de Galatéa, permettent de reproduire la structure globale et détaillée des arcs. Des collisions entre grosses particules tous les quelques centaines d’années permettent d’expliquer les arcs actuels de Neptune. C’est ce que révèle une simulation numérique à l’observatoire de Paris. Elle permettait d’étudier le mouvement de particules de poussière soumises aux perturbations de Galatéa. Statistiquement, en moins d’une centaine d’années, les particules s’agglomèrent sur des sites de corotation d’environ 4 degrés de long, ce qui correspond précisément à l’extension des arcs Liberté et Egalité. De plus, la théorie prévoit que la résonance imprime un mouvement radial aux arcs, d’autant plus important que la masse du satellite est grande. Or, on observe un déplacement latéral des arcs d’une trentaine de kilomètres d’amplitude et cette longueur est compatible avec la masse estimée de Galatéa.

Il reste le problème de la durée de vie de ces arcs. Les calculs des effets perturbatifs associés et du taux d’érosion dû au bombardement météoritique montrent que ces arcs auraient eu du mal à survivre à des âges comparables à celui du système solaire. Mais des satellites autour de Neptune contiennent assez de matière pour que les arcs soient renouvelés.

b) Cas de Saturne et Uranus :

Dans le cas de Saturne, les astrophysiciens ont découvert 2 petits satellites à 2000 km de l’anneau F. On les a comparés à des chiens de berger. Il y a aussi un autre satellite gravitant près du bord externe de l’anneau A qui lui sert de gardien. D’autres structures similaires ont été observées dans la division de Encke ou les anneaux de Huygens et Fresnel. L’anneau l d’Uranus est aussi proche de satellites. Il faudrait étudier les résonances possibles avec ces satellites.

Cependant les satellites connus à ce jour ne suffisent pas à tout expliquer. D’autres observations sont donc nécessaires. Et il faudra peut être aussi émettre d’autres hypothèses pour expliquer cette stabilité.


Conclusion

Les phénomènes complexes ayant lieu au sein des anneaux n'ont pas encore tous été élucidés. Leur compréhension est non seulement liée à l'évolution des mathématiques et de la physique mais aussi à celle du matériel d'exploration de l'espace. Ainsi par exemple, les anneaux ont pu être découverts grâce à l'évolution des lunettes.

De plus, ces phénomènes sont très répandus dans l’univers mais ils se déroulent loin de nous. Il est donc plus facile de les étudier dans les anneaux. D’autres formations célestes différents quant à leur taille ou leur nature présentent une forme voisine de celle des anneaux : disque plat autour d’un corps ou d’un renflement central. Donc l’étude des anneaux peut apporter des informations sur la dynamique de systèmes moins accessibles comme les galaxies spirales, les disques d’accrétion autour des trous noirs ou des étoiles à neutrons, ou encore la nébuleuse protosolaire juste avant la formation des planètes.

Les anneaux ont déjà passionné de grands physiciens tels que Galilée, Maxwell, Huygens, Laplace ou Poincaré et ils continuent à intéresser astronomes et physiciens d’aujourd’hui.


BIBLIOGRAPHIE :